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Oliver Sjöström/unsplash
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Durabilité/04/14/2024

Les marques outdoor, les glaciers et le cycle de l’eau

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Fonctionnement des hydrosystèmes, eutrophisation de l’eau, impact sur la biodiversité, fonte des glaciers, neige artificielle pour pouvoir pratiquer les sports d’hiver… Les systèmes de la pratique et de la fabrication des équipements de sport de plein air sont dépendants et influents sur les cycles de l’eau.

En 2023, nous avons franchi la sixième limite planétaire sur les eaux bleues, ce qui met en danger le fonctionnement des écosystèmes de sport d’hiver et l’existence des glaciers. Avec en Europe, l’affichage environnemental obligatoire pour tous à partir de 2025, les données sur l’eau devront être calculées avec transparence par les marques et leur fournisseurs. Heureusement, il existe des scientifiques, industriels, athlètes et explorateurs qui se mobilisent et faire avancer la cause environnementale.

“D’ici à 2025, prévenir et réduire nettement la pollution marine de tous types, en particulier celle résultant des activités terrestres, y compris les déchets en mer et la pollution par les nutriments.” - Extrait  de  l’ODD 14
Objectif de développement durable des Nations unies

A la source

D’un côté il y a le rôle pédagogique et les interdépendances des systèmes avec l’obligation de rapport d’impacts industriels et de production pour les marques. De l’autre des preuves préoccupantes étayées par le consensus scientifique et les risques liés aux changements climatiques avec la fonte des calottes glaciaires et la fréquence accrue d'événements météorologiques soulignant le besoin de prendre des mesures d'atténuation et d'adaptation.

En 1975 avec son projet “S EAU S“ l’explorateur polaire Paul Emile Victor lançait déjà des alertes à propos des ressources en eau limitées.  Selon le rapport 2023 sur les risques futurs de la société d’assurance AXA™, depuis trois ans le risque numéro un est le changement climatique et que seulement 13 % des experts estiment que le public est pleinement conscient des implications du changement climatique. Il existe donc un décalage de perception entre la science et le grand public. Pour pallier le problème, L’UNEP (United Nation Environment Program) propose et soutient des programmes basés sur les Objectifs du Développement Durable (ODD), en particulier les ODD 6 & 14.

"Il y a d'abord un décalage dans la perception du cycle de l'eau. Une étude internationale menée en 2019 a analysé plus de 500 schémas et représentations du cycle de l'eau. Dans 98% des cas, on ne représente pas les interactions des activités humaines, en particulier la pollution et le changement climatique, sur le grand cycle de l'eau…” - Charlène Descollonges,  Ingénieure hydrologue, auteur de “l’eau Fake or not”
Charlène Descollonges, ingénieur en hydrologie, auteur de "l'eau Fake or not".


Le choix de l’impact

Selon une étude Quantis, chaque année, le secteur textile utilise une quantité d’eau douce équivalente au volume de 86 millions de piscines olympiques, soit environ 215 000 mds de litres. Coté ressources en eaux, d’après Charlène Descollonges: "Les marques d'outdoor comme toutes les industries du textile dépendent beaucoup de la ressource en eau en particulier à l'étape de production de la matière première, mais aussi lors de la transformation (dilution, lavage, chauffage...), au transport et à la distribution. C'est ce qu'on appelle l'empreinte eau d'un produit.Par exemple, la marque Hoka a calculé l'empreinte eau d'une paire de chaussures de trail entre 5 000 et 8000 L d'eau. La production textile est très gourmande en eau, et exige en outre des terres pour cultiver le coton et d’autres fibres.”

La réponse optimale pour l’industrie textile et des sports de plein air résiderait dans l'adoption d'une approche transversale rigoureuse de la chaîne de valeur. Tout comme la présentation de preuves tangibles pour un impact mesurable à présenter aux parties prenantes. Les acteurs publics et privés doivent persévérer dans leur engagement en faveur des initiatives mondiales actuelles visant à établir un cadre assurant l'accès à des données fiables, robustes, comparables et détaillées.

Le choix de l'éco responsabilité

Pour accompagner ces démarches et recherches, l’organisation à but non lucratif China Water Risk basée à Hong Kong, conseille des marques sur les ressources en eau utilisées et les conséquences environnementales et sociales. Leur objectif est de promouvoir la durabilité de l’eau et d’atténuer les risques associés à la pénurie d’eau ou à la pollution. Selon eux, en Chine, 4% des eaux potables sont utilisées par l’industrie de la mode et l’écart entre l’offre et la demande en eau sera de 40% d'ici 2030. Basé sur des standards internationaux comme le rapport du GIEC, CDP Water Disclosure ou The Science Based Targets Initiative (SBTI), CWR effectue des mesures à la fois chez leur fournisseurs, dans leur industrie ou lors de leur production en Asie.

De plus, certains labels ou certifications intègrent à part entière la gestion et l’impact de l’utilisation de l’eau dans leurs critères d’évaluations. C’est le cas de Bcorp™, Bluesign™ ou Fair Play For The Planet. Ce dernier est le tout premier label écoresponsable dédié aux clubs, aux sites et aux événements sportifs. Le label FPFP propose une approche globale de la lutte contre le changement climatique, il offre aux entités sportives la possibilité d'améliorer leur modèle de croissance économique tout en respectant l'environnement et le bien-être des individus.

Les conséquences possibles de l’inaction

Augmentation des tensions prix matière et énergie dont l’eau, mauvais messages envoyés aux clients, incompréhension du public peuvent découler de l’inaction. Normes de plus en plus strictes, conflits avec les tierces parties sont imaginables. Le rôle des fédérations, des salons et des ONG concernées est aussi de travailler en contribuant à des référentiels agiles, adaptables et échelonnables pour pouvoir les financer, organiser et appliquer à l’ensemble de leur chaîne de valeur.  Selon Charlène Descollonges: “On place souvent le curseur au mauvais endroit et on imagine que les éco-gestes suffisent en temps de sécheresse. On a besoin d'avoir une vision d'ensemble pour choisir des actions pertinentes et efficaces, à la fois pour enrayer la crise climatique et pour ralentir ce cycle de l'eau que l'on a accéléré par l'urbanisation, l'agriculture intensive, la canalisation des rivières, la déforestation ou la culture intensive de bois”. Dans les sociétés immobiles sur le sujet, Il existe aussi des risques psycho sociaux et d’éco anxiété ralentissant la productivité et les ventes.

Que risquent les marques ?

Avec la réglementation CSRD dès 2024, les entreprises devront travailler sur leur rapport de double matérialité. En 2025 les entreprises européennes de plus 500 employés et 50 millions de chiffre d'affaires sur 2024, seront dans l’obligation de publier leur rapport extra financiers. Dans l'analyse de la matérialité d’impact, il y l’évaluation des ressources en eau utilisées pour la production. Les conséquences de cette consommation, dont l’impact sur la qualité des ressources marines, le changement climatique, la pollution ou la biodiversité font partie des scopes d’évaluation d’impact de la catégorie environnement. Selon Thomas Buberl, CEO d' AXA dans le rapport 2023 sur les risques: “ les résultats de l’enquête tracent les contours d’un monde dans une polycrise où les risques sont désormais interconnectés. Anticiper ces risques nous aide à nous en prémunir et à s'y préparer plus efficacement, afin que l'avenir ne présente aucun risque pour nous.”

“Il est nécessaire de comprendre le problème avec une vision complexe et de comprendre que beaucoup de choses, pas seulement l'industrie textile, mais aussi l'eau potable, l'eau pour produire notre alimentation et l'énergie, seront croissants et devront faire face à une ressource qui se raréfie. Si on ne l'anticipe pas, on se dirige vers de graves conflits d'usage." - Charlène Descollonges
Charlène Descollonges

Du glacier à la vague, les sentinelles du climat

Non sans rappeler les expéditions du flocon à la vague de Mathieu Crépel et Damien Castera, respectivement ambassadeurs des marques Oxbow™ et Picture Organic™, le cycle de l’eau est inspirant pour les athlètes, les alpinistes, les skieurs et les pratiquants de trail en montagne. Car ils sont directement liés et impliqués dans la sauvegarde de leur milieu de pratique. Les athlètes internationaux de marques revendiquent des choix de plus en plus forts et étayés par des données scientifiques.  “Outdoor sentinels” est le nom choisi par la marque Lafuma™ pour représenter la communauté engagée dans la protection de leurs terrains d'aventure.

Picture Organic s’est entouré d’une solide famille d'ambassadeurs champions de snowboard, ski, mountain bike et surf. Avec eux, la marque finance et promeut des documentaires pour sensibiliser et témoigner d’exploration et de pratiques vertueuses. En 2022, la parole est donnée à Cédric Gras et Matthieu Tordeur partis à la recherche du plus long glacier de montagne du monde, le Fedchenko le glacier oublié au Tadjikistan. Chez Salomon, c’est par l'expérience que l’on sensibilise, avec le programme Mountain academy. Dans leur film “Un domaine skiable sans remontées mécaniques va-t-il transformer le sport ?”,  une pratique plus libre et moins impactante du ski dans la zone de Hankin Evelyn en Colombie britannique est mise en avant. Ces travaux sont destinés à nous sensibiliser à la fragilité du monde.

“Je ne suis ni un scientifique, ni un spécialiste du climat. Je me place en qualité de témoin avec un regard de jeune aventurier sur la planète. Je suis persuadé que nous avons besoin d’un lien plus étroit entre la communauté scientifique qui alerte, et le grand public.” - Mathieu Le Tordeur. aventurier et conférencier membre de la Société des Explorateurs Français
Matthieu Tordeur, membre de la Société des Explorateurs Français

Dans les Pyrénées le glacier Vinhamala va faire partie de la moitié des glaciers de montagne à disparaître dans les prochaines décennies. Les sentinelles du climat est le titre du dernier ouvrage du Dr Heidi Sevestre, membre du Secrétariat du Programme de surveillance et d'évaluation de l'Arctique. Dans son film Hedi’s ice, elle observe le recul des glaciers en zone arctique. Avec optimisme et réalisme, elle se mobilise pour transmettre les messages d’alerte auprès des entreprises, institutions et grand public pour les engager de façon pédagogique. Ils et elles sont autant d'inspirations pour faire évoluer les imaginaires en interne que pour porter des messages auprès des pratiquants de sports de plein air.

“J’ai la chance de travailler au chevet des glaciers, les changements que j’y observe sont considérables. Retrait des glaciers, changement de comportement, perte immense de glace… Ces changements nous paraissent lointains alors qu’ils impactent nos réserves en eau douce, et l’élévation du niveau des mers. Nous sommes tous concernés par la fonte des glaces.” - Heidi Sevestre, glaciologue, documentariste et exploratrice spécialiste des glaciers et des explorations polaires
Heïdi Sevestre, glaciologue, réalisatrice de documentaires et exploratrice polaire

Contribuer et s’adapter

Il existe de nombreuses associations avec qui les marques d’outdoor peuvent collaborer sur de la formation ou pour soutenir les observations et recherches scientifiques :  Mountain widener, Protect our winter, la Fondation Eau, Neige et Glace, la water family, surf rider foundation europe, Under the pole. Enfin côté communication et marketing, anticiper son impact, gérer les éléments de communication est clé pour une marque. Un récit captivant qui intègre les offres clés, les avantages fonctionnels et émotionnels, le rôle de la marque dans sa relation avec la biodiversité et les usagers de ces produits sera séduire avec authenticité. Les glaciers et le cycle de l’eau ont leur champ lexical scientifique et voient leur champ des possibles fondre. 

Si la zone de pôles est déjà bien touchée, verrons-nous les glaciers d’Europe disparaître? Il existe pour les marques d’outdoor un enjeu de taille, rester désirable en innovant avec des produits moins impactants. Tout en préservant les terrains de jeu pour capitaliser sur notre milieu ambiant au lieu de l’épuiser. C’est aussi ça la mission de l’entreprise régénérative. Enfin, La montagne reste l'un des rares terrains de jeu où la responsabilité coexiste avec la liberté et c’est le message de nombreux explorateurs. La meilleure réponse pourrait consister à œuvrer en faveur de la transparence, élaborer des normes transversales rigoureuses. Des acteurs publics et privés qui maintiennent leur engagement envers les initiatives mondiales en cours. Afin d' établir un cadre garantissant l'accès à des données fiables, robustes, comparables et détaillées, tout en plaidant en faveur de la cohérence entre différentes normes et législations.

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